Le 14 juin, la commission des affaires sociales du Sénat a rendu public le rapport de sa mission d’information sur le médicament, décidée suite au scandale du Vioxx® de septembre 2004. Au total, sept mois de travaux, plusieurs dizaines d’auditions, dont celle du Formindep, plus de 350 pages et 25 recommandations. Le Formindep, cité en exemple page 43 de ce rapport, partage globalement le constat de la mission. Celui-ci dévoile l’omniprésence tentaculaire de l’industrie pharmaceutique à tous les niveaux de la décision du médicament, depuis la formation et l’information des prescripteurs ou futurs prescripteurs, jusqu’aux agences et organismes gouvernementaux chargés de la gestion du médicament. Cette réalité, défendue par le Formindep et bien d’autres, en France et dans le monde, trouve ici en quelque sorte une reconnaissance officielle. C’est important et à saluer. La réaction du Leem, syndicat des firmes pharmaceutiques, suite à ce rapport est à cet égard symptomatique. Il s’arroge sans scrupule le droit de parler au nom du corps médical et des scientifiques, soi-disant «injuriés» et «insultés» dans ce document. En s’autoproclamant ainsi porte-parole des professionnels de santé, il montre bien le peu de cas qu’il fait de leur indépendance et de leur liberté. Pour l’acteur impliqué qu’est le Formindep, cette perte de sang-froid des firmes et de leurs affidés est un signe qui ne trompe pas : l’état des lieux effectué par la mission d’information du Sénat est le bon. Mais il en va différemment pour les recommandations émises à la fin du rapport. Elles apparaissent davantage comme un catalogue de bonnes intentions que comme des propositions courageuses et volontaires susceptibles, si elles étaient appliquées, de faire bouger les choses. La faiblesse de ces propositions n’a pas échappé au sénateur AUTAIN, membre de cette mission et à l’origine de celle-ci. Il s’est abstenu lors du vote du rapport et a formulé d’autres propositions plus pertinentes. Face à une telle mainmise d’intérêts financiers et commerciaux sur la puissance publique, les déclarations d’intention ne peuvent suffire. Il faut garder en mémoire que l’indépendance de la chaîne décisionnelle du médicament n’est pas une lubie intellectuelle ou idéologique. Elle ne constitue pas non plus seulement un objectif démocratique. Elle est un élément majeur et devenu prioritaire de la sécurité sanitaire de la population. C’est cela que nous a appris l’affaire du Vioxx®. La mission d’information aurait dû en tirer des enseignements plus solides. Face à la toute-puissance d’intérêts marchands arrogants, pour les autorités et responsables, seuls un courage politique fort et un sens aigu de l’intérêt général peuvent un jour faire avancer les choses. Pour les professionnels de santé, manipulés et méprisés par ces intérêts, ce sont le développement de la conscience éthique, la reconquête de la dignité professionnelle et le recentrement vers l’intérêt des patients qui sont les outils fiables de la résistance. Pour les usagers et citoyens, ce sont la prise de conscience du danger sanitaire et démocratique que représente la mise sous tutelle de l’information et de la formation médicales par ces intérêts privés, et la pression qu’ils exerceront sur les professionnels et les autorités qui seront déterminants. Ce rapport a entrebâillé une porte et permis de laisser sourdre un rayon de lumière. Avec les patients et les soignants, on peut compter sur le “coin” que constitue le Formindep pour maintenir et élargir cette ouverture.