L’histoire est simple, évidente, captivante.

A deux heures du matin l’interpellation d’une épouse à propos de l’impuissance de son mari fait basculer la vie du Docteur Christophe Desportes. Le mari est un homme mutilé au plus profond de son intimité après un dépistage alors qu’il ne se plaignait de rien. C’est le déclic d’une colère. Colère que le Docteur Desportes exprime publiquement dans « Le Monde ». L’aventure profondément humaine de ce médecin est en route.

Son premier objectif : comprendre.

Il s’immerge dans un stage de formation. Là, l’urologue y délivre son expertise : « Il est trop tard pour faire machine arrière, le dépistage, c’est parti. » Trop tard. Trop tard… La sentence résonne. Trop tard ? Trop tard pour qui ? Sur la base de quelles raisons scientifiques ? Christophe Desportes a compris que quelque chose clochait. En 2005 déjà, ce médecin généraliste breton dans la Revue du praticien s’était vu répondre par le Professeur Cormier «On y va en attendant que la preuve de l’utilité arrive». Cette affirmation appelle des questions. Peut-on mettre en oeuvre une intervention médicale sans preuve de son bénéfice? La médecine devrait-elle être fondée sur des croyances plutôt que sur des preuves ?

Le problème est là : entre le message de l’Association Française d’Urologie pour laquelle il faut le faire parce que ses urologues en sont convaincus, et celui de la Haute Autorité de Santé pour laquelle il n’y a pas de justification scientifique de ce dépistage. Pour démêler ce monde tissé de recommandations contradictoires, Christophe Desportes enfile des faits quotidiens qui se comprennent par des données scientifiques expliquées simplement.

Les malades rencontrés le sont devenus à la suite du dépistage. Avant, ils étaient bien portants et avaient toutes les raisons de le rester. Mais l’annonce de taux élevé de PSA va conduire à la fois à la réalisation de biopsie, examen qui comporte des risques y compris celui d’en mourir. Dans 70% des cas ces biopsies infirmeront le diagnostic. Mais après la réalisation de cet examen le patient est exposé à un surdiagnostic dans une proportion qui selon l’Institut National du Cancer varie de 27% à 84%. Le surdiagnostic c’est le diagnostic d’un “faux cancer”: des cellules cancéreuses qui n’évolueront pas vers la maladie.

De plus, sacrifice suprême, une fois traités, 50 à 80% des patients deviennent impuissants et incontinents. La réalité que Christophe Desportes a sous les yeux est bien plus parlante que les statistiques des études relatées dans nos revues scientifiques austères. Pourtant ces études sont essentielles. Pour nous faire mieux comprendre ce que ces patients vivent, l’auteur nous les explique d’ailleurs simplement. Un exercice que chaque médecin devrait faire avant de prescrire des PSA.

Dans son enquête notre collègue va découvrir comment l’achat d’un robot américain destiné à aider les urologues à faire moins de dégâts dans leurs interventions, aboutit finalement à fabriquer une génération de malades qui sinon seraient restés des bien-portants. Une machine chère pour opérer= des malades à recruter=une impasse de santé publique. Mais cela ne suffit pas à expliquer pourquoi les médecins généralistes prescrivent ces fameux PSA, ni pourquoi leurs patients les demandent.

Ne comptez pas sur moi pour vous dévoiler le reste de ce livre qui m’a personnellement touché. Je mesure en le lisant, le courage dont il va falloir que je fasse encore preuve dans mes prescriptions, dans mes explications, et ce quotidiennement. A chacun d’entre nous de balayer devant notre porte, tous les matins !

Une évidence, il faudra bien que nous sortions de cette impasse. Pour cela, acheter, lire, et conseiller « Prostate, le grand sacrifice » est une véritable action de santé publique.

Philippe NICOT, le 8 décembre 2012


Post Scriptum :

Prostate le grand sacrifice… de Christophe DESPORTES
- Broché : 160 pages
- Editeur : Editions Pascal (28 septembre 2012)
- Collection : Tapage
- Langue : Français
- ISBN-10 : 2350191087
- ISBN-13 : 978-2350191089